Marlborough sans filtre

Le Milford Sound… Point de passage obligé de tous les touristes visitant la Nouvelle Zélande, ce coin perdu détient le record mondial de précipitations. Plus de 7 mètres à l’année. Oui, plus que la forêt amazonienne. J’avais donc pris grand soin, lors de ma première visite, d’éviter ces lieux peu hospitaliers. Mais il ne sera pas dit que je recule devant l’adversité, et après 15 jours de camping sous la pluie (la seule fois où l’on n’a pas monté ou démonté la tente sous la pluie, c’est quand il a fait suffisamment froid pour que l’eau sur la tente gèle et qu’elle tienne toute seule debout, sans piquets…), nous nous sommes dit qu’il fallait conjurer le sort.

Vu comme ça, ça a l'air plutôt cool. Mais au sud, c'est l'antarctique, et à l'ouest, la terre la plus proche, c'est l'argentine. Rien pour freiner les nuages donc, et plein de phénomènes météo aptes à générer des ondées...

Vu comme ça, ça a l’air plutôt cool. Mais au sud, c’est l’antarctique, et à l’ouest, la terre la plus proche, c’est l’argentine. Rien pour freiner les nuages donc, et plein de phénomènes météo aptes à générer des ondées…

Il n’y a pas de camping à proprement parler au Sound. Pour préserver ce lieu face à l’afflux considérable de touristes, les campings sont situés derrière la barrière montagneuse. Mais bon, même si certains sont restés coincés sur les montagnes, donnant au Milford sa dose quotidienne d’humidité, il en restait largement assez pour arroser le camping d’énormes flocons avide de fondre sur une tente toute chaude.

Le lendemain matin, après avoir abdiqué le séchage de la tente et l’avoir bourré direct dans un sac en plastique avec espoir de l’éponger plus tard, nous voilà sur la route. Le paysage est spectaculaire, et la région ne vole pas sa réputation. Des falaises noires, des glaciers aux formes étranges tombant dans des lacs gigantesques… Le lieu ne ressemble à aucun autre. En se rapprochant de l’océan, les flancs pourtant extrêmement raides se couvrent de végétation. De la mousse, des fougères, et même des arbres ! Le tout saupoudré de blanc. C’est complètement surréaliste.

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un mix entre l’Everest et la Baie d’Halong. C’est le Milford Sound!

Mais qu’est-ce qu’un sound ? En gros, il s’agit d’un tas de colline se jetant dans la mer et formant des invaginations. Ah, mais il y a erreur sur la personne là. Les gros tas de cailloux, là, c’est tout sauf des collinettes… Et je suis prêt à parier que les tas de glaçons au sommet, ils ne disparaissent pas en été, et ressemblent drôlement à des glaciers… Hein ? Quoi ? On me dit dans mon oreillette qu’il s’agit en fait d’un fjord, et non d’un sound. La boulette viendrait du Capitaine Stokes, marin de sa majesté, manifestement plus calé en poissons qu’en marmottes.

Ceci n'est pas un glacier.

Ceci n’est pas un glacier, c’est évidemment une usine de sucre glace!

Bref, non content d’être très beau, l’endroit regorge également de poissons, de jade et de légendes, en faisant un endroit particulièrement sacré pour les maoris. Les européens y trouveront aussi de l’or, platine et autre métaux précieux. Et les touristes un lieu superbe pour randonner et visiter. Si les maoris et les touristes pouvaient trouver un point d’entente, il était plus difficile d’imaginer un scénario conciliant extraction de ressources et plantes vertes. Devant la mayonnaise qui commençait à monter entre les différentes parties, le gouvernement décida de créer un gigantesque parc national autour du Sound. Ainsi, la région pouvait tirer partie de la rante du tourisme, les maoris se voyait assigner des permis spéciaux de pêche et de collecte de jade, et si un jour le tourisme venait à disparaître, les ressources en minerais seraient toujours disponibles. Gagnant sur tous les tableaux !

De l'eau pure en provenance direct du glacier. Ce serait dommage d'y ajouter du cyanure...

De l’eau pure en provenance direct du glacier. Ce serait dommage d’y ajouter du cyanure…

Mais revenons en à nos moutons (nous sommes en Nouvelle Zélande, après tout). Lorsque l’on prend la route des sounds, on remarque assez vite que malgré la fréquentation, la route est couverte de mousse. Malgré le froid à cette période de l’année, la combinaison entre température, humidité et soleil pourrait faire pousser des racines à un poteau télégraphique. Les falaises à pic ne sont donc pas complètement nues, et la plupart sont couvertes d’une sorte de forêt, avec ses fougères et ses arbres. Oui, des vrais grands arbres. Si l’on regarde d’un peu plus près, on se rend compte que cette forêt est à différent stade de son développement par endroit. Parfois plutôt jeune, avec de la mousse et des fougères, parfois plutôt âgée, avec des arbres de belle taille surplombant le vide. Parfois, la parois est nue. Et lorsqu’elle est nue, il arrive qu’un petit tas de bois mort se trouve au pied, baignant dans l’eau. Une pile de bois qui dépasse à la surface d’un lac de plusieurs dizaine de mètres de fonds ? Voir plusieurs centaines ? Qué ? Et bien voilà, il se trouve qu’en plus d’être spécialement raide, le cailloux local est spécialement dur. Oh, bien sûr, il n’a pas résisté à la formation de nombreuses entailles et encoches lors des glaciations, ainsi que lors de sa formation, qui laisse le loisir à la mousse de se développer sans tomber immédiatement dans l’eau. Mais pour les racines des arbres, wallou. Ces dernières restent allégrement à la surface, se développant sous le tapis de mousse, l’arbre profitant des sédiments crées par ces dernières en se décomposant (et vu les conditions d’humidité, ça décompose ‘achement bien). Jusqu’au jour où l’arbre fait pousser la feuille de trop, devenant trop lourd pour le peu d’appui dont il dispose. C’est alors la chute, entrainant tout le reste de la forêt sur son passage. Une avalanche d’arbre en quelque sorte. Et ça recommence de plus belle. Mousse, terre, arbre, avalanche, etc. Une forêt chaotique, un peu comme en amazonie, sauf que les incendies sont remplacés par les avalanches.

Et plouf.

Et plouf.

Plouf plouf. Comment ça plouf ? Fichtre, un dauphin. Ou plutôt un dauphin qui aurait un peu abusé du macdo, tout arrondi dans les coins. Et puis un beau morceau avec ça ! Une espèce en danger paraît-il, qui trouve ici un havre de paix où se développer, profitant des bateaux de touristes et de leurs vagues pour s’amuser un peu.

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les jeunes dauphins jouent avec la vague de compression des bateaux, pendant que les vieux nagent au loin

Après avoir fait coucou à un phoque en pleine séance de glandouille sur un rocher (un phoque quoi),

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Grosse activité. Vivement la pause!

c’est le retour à terre. Pour ceux qui souhaitent prolonger l’expérience, et profiter de ce paysage à leur rythme, le Milford Track est un de splus anciens sentier « touristique » de la région. Bien qu’exploitant passes et cols et étant bien aménagé pour canaliser le flot de touriste de l’été, en hivers, et vu le relief local, il s’agit d’une course alpine de haut niveau, régulièrement fermé en raison des risques d’avalanches et des fortes pluies. Une autre fois !

 

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