Préambule: pour vous dire à quel point ça devient sérieux, j’ai finalement très peu de photo de la journée, par faute de temps, de fatigue et de motivation à sortir l’appareil de son étui.
Jour 2:
Météo: Beau temps, température de l’air environ 20°c, température de l’eau 13-14°c
Distance: 15km
Durée: 11h50
Ce matin, nous nous préparons pour une journée pas comme les autres. Après une nuit de repos bien méritée pour récupérer de l’échauffement de la veille, nous préparons un petit déjeuner à base de barres de céréales, café, lait en poudre et weetabix. Mes mains commencent à ressembler à une calculatrice, grâce aux piqures de sandflies de la veille qui commencent à gonfler. Nous préparons ensuite les sacs: tout ce qui craint l’eau est placé dans des sacs étanches, la carte et les distances vérifiées une dernière fois, la carte finissant également enfermée dans son sac. Objectif: 6km dans un lac, puis une dizaine de km en longeant plus ou moins une rivière, sur un terrain indéterminé sur la carte. A 8h15, c’est le départ.
Le panneau à coté de la hut donne le point de départ du sentier; Enfin globalement, il dit que le départ est ici; et que c’est par là; Rendez vous de l’autre coté du lac. Sur les premiers 50 mètres, nous faisons les petits joueurs, un peu retissant à tremper les pieds alors que le soleil n’est pas encore passé au dessus des montagnes et que le lac fume, la température de l’air étant encore assez basse.
Mais comme je le dit, ça, ça ne dure que 50 mètres. Après, le choix est le suivant: escalade sur la falaise couverte de jungle, ou se lancer les pieds dans l’eau. Va pour l’eau!
C’est un peu frais, mais avec les premiers rayons de soleils, au final, c’est pas si mal. Plutôt agréable. Et là, nous comprenons pourquoi les arbres ne poussent pas droit dans le coin. Le sol repose sur de la roche extra dure; Il s’agit donc la plupart du temps de litière végétale décomposée et de sable, le tout détrempé régulièrement par les 9 mètres d’eau annuels, sur des pentes dépassant les 70%. Alors forcement, les arbres ont tendance à tomber. Et ce sera l’un des problèmes majeur de la journée: passer les obstacles. Passer au dessus d’un arbre avec les pieds dans l’eau et un sac de 18kg sur le dos n’arien de facile. Passer en dessous n’est pas envisageable. Le contourner… Disons que la profondeur augmente rapidement, et que le sol est loin d’être régulier, avec des gros rochers, des trous d’eau, bref, s’enfoncer vers l’intérieur du lac est plutôt incertain. Nous optons pour l’escalade des arbres la plupart du temps, avec quelques incursions sur terre quand la végétation et le relief le permet.
En attendant, c’est quand même la grosse rigolade. Une grosse anguille vient rajouter un peu de piment au franchissement d’obstacles.
Il fait bon, le lac apporte une fraicheur bienvenue, les oiseaux chantent, la végétation est impressionnante, et notre vitesse de pointe fabuleuse de 1km/h nous permet de sortir du lac pour le repas. Nous reposons nos pieds tous ridés sur une superbe plage de sable blanc, les nouilles coréennes instantanées réhydratants tranquillement pendant que les chaussettes s’égouttent. Sans les sandflies, ce serait le paradis; Je vous ai déjà parlé des sandflies? C’est des kjhsifhsiugiu de bestioles…
Après le repas, il ne faut pas rêver, les chaussures sont loin d’être sèches. Et de toute façons, on remet les pieds dans l’eau après avoir repéré notre premier petit triangle depuis le début du lac. Les petits triangles? C’est le design local pour indiquer un chemin. Ou une direction. Ou que globalement on est dans le bon coin. Ou qu’il faut tourner. Ou une balise. Ou tout à la fois, le tout c’est de les repérer et de deviner la signification.
Et c’est là que ça a commencé à devenir fun. Nous faisons connaissance avec les flaxs. Flax: n.m. Phormium tenax . Plante poussant en touffe de 1 à 3 mètres de haut, utilisée par les maoris pour la confection d’artefacts textiles, vêtements, cordes, paniers etc. Reconnu pour sa résistance. En combinaison avec de petits arbustes secs du bush néozélandais, forme un mur spécialement casse-noix pour le randonneur du dimanche.
Evidemment, il est impossible d’accrocher le moindre panneau là dessus. Les petits triangles oranges sont donc plantés sur des piquets d’approximativement la hauteur des flaxs; Autant dire qu’il est plus simple de tirer tout droit et d’essayer de localiser un panneau une fois sur terrain dégagé, que de naviguer de panneaux en panneaux. Sorti de ce petit bonheur, nous débouchons sur un probable ancien champ à vache. Globalement plat et dégagé, le sol est couvert d’herbes hautes, tout en étant spécialement irrégulier, probablement formé ainsi par les touffes d’herbes et le passage d’innombrables têtes de bétails il y a une centaine d’année. On ne peut pas dire que l’on avance beaucoup plus vite que dans le lac, mais au moins on repère assez facilement les panneaux, Et à ce rythme là on sera presque à l’heure prévue à la prochaine hut. Et puis nous sommes entrés dans la forêt. A la différence des forêts françaises, il y a finalement peu de broussailles ou de ronces bloquant le passage, et le sous bois est assez dégagé, si l’on parle de végétation. Si l’on parle d’obstacles, ça se complique. C’est un vrai parcours du combattant, avec de très nombreux arbres tombés, fougères tombés, et des sentes créés par les animaux ou le ravinement. Nous progressons souvent en parallèle, ce qui permet de perdre le chemin moins souvent en augmentant la surface couverte par le regard. Cependant, il faut bien reconnaître que de ce coté, mon collègue s’en sort mieux que moi. Les panneaux oranges, dans une foret verte pleine de taches de lumières, c’est pas ma tasse de thé.
Dans ce chaos, on ne dépasse pas les 2 km/h. Le temps commence à filer, et sur les parties dégagées nous forçons le pas. Sans trop foncer quand même sous peine de perdre les panneaux, ou d’avancer tête baissée dans des buissons d’Urtica ferox. Je vous laisse googler cette charmante plante verte, qui se paie le luxe d’être pire que les sandflies. Sur la carte, nous devrions bientôt sortir de la forêt. Nous ésperons alors un terrain plus dégagé pour rattraper le temps perdu. Ce qui sera vrai sur une centaine de mètres, le temps de reperdre le chemin au milieu des flaxs, de le retrouver, et d’atterir dans les « blacks swamps », les marécages. Quand on voit des marécages, on pense essentiellement à de l’eau marron qui sent mauvais, d’une trentaine de centimètres de fond. La vérité, c’est que ce que l’on voit de la surface, c’est la profondeur de la vase; mais ce dont on ne se rend pas compte si l’on n’a jamais mis les pieds dedans, c’est qu’il y a encore là dessous entre 10cm et 1 mètres de « sol » qui ne porte absolument pas; On peut alors s’enfoncer instantanément de plus d’un mètres dans un trou, avant de trouver une surface plus porteuse. Et pour le coup, le fond d’un marécage a tendance à être très amoureux. Il vous retiendra autant qu’il peut, et il serra parfois très difficile de ressortir du trou avec ses deux chaussures. Et c’est là qu’on se rend compte du problème: il est tout à fait possible de se retrouver coincer dans un trou; Pas de se noyer, mais juste collé au fond. Ou de perdre ses chaussures. Et seul, en fin de journée, sans balise de detresse, pour peu qu’il se mette à pleuvoir, la situation peut rapidement devenir catastrophique.
Mais bien que la fin de la journée approchait, et que la fatigue se faisait sentir, nous avons finalement réussi à passer les marécages, pour arriver (enfin) sur un sentier nous permettant d’arriver avant le coucher du soleil à Olivine Hut.
Olivine Hut est une petite hut, assez ancienne, au confort rustique. On y retrouve un jeux de fléchettes « all black », pas de lecture, un poêle et un évier. Nous y rencontrons un couple franco-australien, qui fait le même parcours que nous en sens inverse, mais en utilisant un canoé gonflable. Plus confortables, mais ils ratent tout le fun de patauger dans la boue! Le couple travaillant au DOC, nous passons la soirée à parler randonnées et Nouvelle Zélande. Mais vu notre heure d’arrivée, la soirée est finalement assez courte, et après avoir avalé notre « backcountry », nous nous couchons sans demander notre reste. Demain, ça s’annonce bien aussi 🙂