Attention: les auteurs déclinent toute responsabilité sur les évènements de cette journée.
Jour 7:
Distance: 23km
Durée: 10h
Dénivelée: 800m
Météo: Pluie humide
La nuit a été réparatrice. Après deux étapes courtes et un bon repos, ce matin, on a la patate. Et en plus il fait beau, même si on voit les nuages, les belles enclumes au bout de la vallée, coté océan. Et on voit bien que le vent souffle vers nous. Autant ne pas trainer. Comme hier, Morane part avant nous, pendant que nous finalisons un petit déjeuner pantagruélique. Nous avons largement assez de vivre pour tenir jusqu’à la fin de la rando, et le risque de rester coincé est presque nul, car nous avons déjà franchi tous les obstacles.
Alors, c’est parti! Nous savons que l’avalanche d’arbres se trouve sur la première partie du parcours, et on aimerait bien la passer avant la pluie. Avanti. Il est cependant important de préciser qu’aujourd’hui, nous empruntons officiellement le Demon Trail, le sentier du démon. Hier, nous étions ne partie sur le Hollyford track, sentier spécial touristes qui se font déposer en bateau après le démon trail. Mais nous sommes prêts. Pour bien commencer la journée, nous retrempons les pieds dans le sentier transformé en ruisseau par les pluies d’hier. Il y aurait bien moyen de zigzaguer pour passer à coté, de faire l’équilibriste sur les pierres, mais nous avons les pieds mouillés depuis 6 jours, alors un jour de plus, nous n’en sommes plus à ça prêt, si ça peut nous faire gagner du temps! Et puis, c’est pas bon de laisser le cuir sécher 🙂 .
Après une dizaine de minutes de marche, nous arrivons à une chute d’arbres. Le temps de se décider si nous passons par le haut ou par le bas, et nous voilà déjà de l’autre coté. C’était ça la difficulté du jour? Pfff, facile.
Le sentier continue. On ne peut pas dire que ce soit un sentier confortable. Il est pavé certes, et bien défini, mais pavé de cailloux façons pierrier. Et puis ça monte, ça descend, ça monte ça descend… Mais la vue est magnifique. Les glaciers qui se reflètent dans l’eau du lac, c’est splendide.
Tout se passait bien, jusqu’à la deuxième avalanche d’arbres. Oui parce qu’en fait, il y en avait 2. Nous décidons de contourner par le haut du premier arbre, en espérant redescendre de l’autre coté pour rattraper le sentier. Alors oui, mais non. Déjà, le premier arbre est énorme, et il faut déjà batailler pour arriver à la souche, qui est bien plus grande que moi; Escalader pour passer de l’autre coté… Et se rendre compte que c’est le souk sur plus de 200m, un nombre impressionnant d’arbres énormes tombés pêle-mêle, des branches dans tous les sens, si bien qu’on ne distingue même plus le sol. La question se pose: par où se diriger?! Je mise pour continuer avec la stratégie de passer par les souches des arbres rencontrés, en remontant petit à petit l’avalanche, pendant que Laurent se décide à tracer tout droit. Quand l’un est coincé, il peut demander à l’autre si ça passe et tenter de la rejoindre ;Et quand les deux sont coincés, et biennnnn, on bourrine jusqu’à ce que ça passe?
Au bout de plus d’une demie heure de bataille, je finis par déboucher sur la sortie de l’avalanche; Le ravin qui s’ensuit est raide, mais au moins, il n’y a plus d’arbres. J’appelle laurent, que j’entends batailler quelque part. Il est coincé plus bas, je le guide à la voix pour qu’il remonte jusqu’à moi. Nous descendons prudemment le ravin, et retrouvons finalement le sentier au bord du lac. Je crois que c’est à ce moment que le démon, profitant d’un moment de faiblesse, en a profité pour s’insinuer dans notre esprit.
Un peu plus tard, il se met à pleuvoir. Et c’est là que le démon frappe. En effet, pris par une envie soudaine de coller à l’environnement, nous entonnons « I’m singing in the rain », de Gene Kelly. Et nous ne nous arreterons de chanter que 20 kilomètres plus loin. 8h de chansons. Tout y est passé. Piaf, Brassens, Iam, Tino Rossi, Aqua, Brel, les Wriggles, et même des chants de noël sur la fin…
Il faut dire qu’il ne s’est plus arrété de pleuvoir de la journée, et que bien que le sentier ne fisse que monter et descendre, et qu’il ne fut pas très agréable, parsemé de gros cailloux et de flaques de boues, il reste très praticable, et nous avançons bien. Il n’y a plus grand chose à voir à part des fougères, et nous maintenons ainsi un rythme calé sur le tempo des chansons, sans voir passer le temps. A midi, nous mangeons à Demon Trail hut. Nous y retrouvons un sac de déchets laissé par les allemands, qui n’ont manifestement pas bien compris le sens de « emportez tous vos déchets ».
Il y a aussi un masque et un tuba. L’histoire ne dit pas comment ils sont arrivés là. Les ponts de singe s’enchainent pour passer les rivières, nous entretenons le mauvais temps ave des airs plus ou moins justes, des paroles plus ou moins correctes, des chants plus ou moins complets.
Nous prenons un malin plaisir à marcher dans toutes les flaques de boues; Nous avons que bientôt, nous rejoignons le sentier policé que nous avons quitté au début de la semaine, et qu’il faudra rejoindre le monde réel. Alors nous en profitons jusqu’au bout!
D’ailleurs, voici le grand pont qui ferme la boucle.
Encore un kilomètre, et nous voici à Alabaster Hut! Après 23km à bon rythme, nous sommes content d’arriver; Nous trouvons là un ensemble de papi-mamies qui ont manifestement la patate, ainsi que deux jeunes hollandais venus pécher dans le coin. Et qui ont une idée de génie: allumer un feu; En voilà une idée qu’elle est bonne! on va pouvoir se sécher un peu.
Durant la soirée, je parcoure le livre d’enregistrement de la hut: théoriquement, chaque personne qui y passe se doit d’y inscrire son nom, le nombre de personnes du groupe, et sa destination, ainsi que ses impressions; Je tombe sur des petits récits plus ou moins épiques de personnes ayant fait le Pyke, jusqu’à celui d’un allemand (encore), qui a écrit un pavé complet décrivant dans le détail (autant que possible) les trucs et astuces pour ne pas se perdre sur le Puke. Et qui a pris soin, en plus, de laisser des petits rubans roses pour baliser le sentier dans les endroits difficile; C’est lui! C’est à lui que l’on doit des heures de navigation gagnées en ne se perdant pas! On se disait bien aussi que ces petits rubans roses bien intentionnés, accrochés parfois sur des supports plus ou moins éphémères, et facilitant la navigation, ça ne pouvait pas venir du DOC. S’il était là, on l’embrasserait.
Une tasse de thé à la main, les pieds au chaud devant le feu après un petit bain dans le (froid) lac Alabaster, nous repensons à notre séjour. Demain, plus que 20 kilomètres sur l’autoroute, et nous rejoindrons la civilisation.
Moi j’avais parié pour une petite pissette, mais c’est moman qui a gagné avec son jus de chaussette…
Oui, je sens que le jour 8 va faire du bruit, que tu as joui de meilleures conditions, que tes pas t’on conduit vers de beaux paysages, et puis c’est tout.