Avant de commencer cette article, petite mise au point: ceci n’est aucunement un exploit. Les légionnaires en mission en Guyane nagent quotidiennement dans la boue en se faisant bouffer par les moustiques. Jean-Louis Etienne, coincé sous sa tente pendant une semaine avec Tchin Daho par la blizzard en plein antarctique, a dû sentir des moments de solitudes et d’attente bien plus importants. Bref, ce track n’a rien d’insurmontable, il suffit d’être préparé, matériellement, physiquement et mentalement.
Jour 1:
Météo: soleil, environ 20°, pas de vent
Distance: 20km
Durée: 6h30
Campement au bord du lac Te Anau
Après une nuit passée au camping du DOC (department of conservation) au bord du lac Te Anau, nous prenons la direction du début du sentier. L’objectif pour les jours à venir: une boucle de près de 130km, à réaliser en 8-10 jours, reliant l’ancien camp de base de Davey Gunn, un éleveur qui avait fait de la vallée un lieu de pâture, jusqu’à Big Bay, sur l’océan Pacifique, et revenant par la vallée adjacente, sur laquelle le gouvernement avait établie une colonie à Jamestown, aujourd’hui abandonnée.
La matinée est consacrée à la préparation des sacs à dos: Nourriture pour 10 jours, balise de détresse, vêtements chauds, vêtements de pluie, PQ, trousse de secours, matériel photo, crème solaire, sacs étanches, Bushmann, réchauds, gourde filtrante, tente, matelas, sacs de couchage, tout y est. Ah, pourquoi une gourde filtrante? En regardant la carte, on se rend rapidement compte que le nombre de cours d’eaux croisés se compte en dizaine. Au lieu de partir avec 3 litres d’eau en reserve, nous avons choisis de partir avec des petites gourdes de 500ml que nous remplissions régulièrement aux différents torrents. De l’eau fraiche en permanence.
Le plein à Homer Falls
Nous emportons également une carte topographique, un GPS de randonnée avec la carte du coin, et un tracker GPS/boussole pour aider à la navigation. Nous emportons également un téléphone, plus pour les photos et vidéos que par sécurité, le reseau étant déjà absent au début de la randonnée. La veille, nous avons loué pour la durée de la randonnée une balise de détresse: en cas de problème, il suffit de l’actionner pour envoyer par satellite la position GPS de la balise, qui est renvoyée aux services de secours. Dans le cas désespéré où le déclenchement serait impossible, nous avons donné notre parcours ainsi que des contacts à prévenir au bout de 10 jours si nous n’avons pas retourné la balise d’ici là. Nous verrons qu’à partir du 2ème jours, ces équipements n’ont rien de paranoïaques.
Avant de démarrer, nous croisons un guide accompagnant une randonnée payante de papis et mamies. Il nous donne les dernières nouvelles de la météo: nous avons au moins 3 jours de beau temps devant nous, pas de crues en cours. Il nous confirme également que la première partie du sentier, le Hollyford Track, est très facile. Il s’assure que nous sommes bien préparés, et nous souhaite bonne journée. Il est midi. Notre programme: marcher 2 heures, manger à Hidden Falls hut, et terminer tranquillement jusqu’à Hallabaster Hut. En avant!
Le sac sur le dos, au parking, c’est parti!
Les sacs font presque 18kg chacun; Heureusement, le sentier est bien tracé, on se croirait dans un parc botanique. En dehors de Homer Saddle, le sentier est globalement plat, large, en petit graviers doux pour les pieds. Les fougères, kaoris et autres arbres donnent une ombre agréable par ce temps dégagé. Petites cascades, végétations luxuriantes, petits caillebotis dès qu’un ruisseau fait son apparition, ponts, le sentier est très agréable et la progression facile. Dans les percées de végétation, on peut apercevoir les glaciers alentours. L’environnement est impressionnant.
Pont suspendu, traversée assurée
A Hidden Falls Hut, nous sortons le réchaud pour la première fois, et pour nos premières nouilles déshydratées. Nous discutons des conditions du sentier avec un kiwi qui revient du hollyford/demon trail, ainsi qu’un américain. Notre kiwi résume les choses de la manière suivante: Le Hollyford track, c’est une autoroute. Le demon Trail, une départementale. Le Pyke, euh, un petit chemin de terre? ça promet.
Jusque là, tout va bien
La grosse pause terminée, les sacs refermés, nous reprenons la progression. Nous recroisons les papis-mamies qui nous font la hola pour avoir déjà fait 10 bornes avec nos gros sacs à dos. Nous continuons à nous émerveiller de la nature, des arbres torturés et centenaires; Nous nous faisons cependant la réflexion que les arbres centenaires ne sont pas si nombreux, et que même si le sol de la vallée est assez plat, les arbres sont loin d’avoir poussés droits. Il y a anguille sous roche; Ou baleine sous gravier comme qui dirait. Nous y reviendrons. Après 18km, nous arrivons à une hut. C’est à priori un peu tôt, mais hé, on peut voir des canapés par les fenêtres, un bar avec des bouteilles de vins et un barman préparant les verres. Mais pas de panneaux annonçant « Hallabaster Hut »; Et de fait, il s’agit en fait d’une hut privée, reservée aux papis-mamies rencontrés plus tôt. Dommage! Quelques kilomètres de plus, et nous arrivons pour de vrai à Hallabaster.
Hallabaster Hut
salle commune
dortoir
La hut est confortable, la pièce commune est bien aménagée et assez grande. Les toilettes sèches sont au standard néo-zélandais: pleines de sandflies et au fumet agressif. Les sandflies? Hum. Pour faire simple, il s’agit de petits moucherons attaquants en groupe, silencieux et invisibles, pour pratiquer des piqures ultra-irritantes de la taille d’une pièce de 50 centimes, garantissant des démangeaisons pour 2 semaines, quand le tout n’explose pas tellement ça gonfle. Le bushmann emporté, s’il est efficace, est également extrêmement gras, et ce n’est pas le plus agréable quand on prévoit de ne pas se doucher pendant 10 jours. Et on ne peut pas s’en tartiner le c.l. Et j’ai oublié le spray répulsif. Et l’anti-gratte-gratte est absolument inefficace. Autant dire que c’est pas le moment d’avoir la courante et que les passages sur le trône se doivent d’être rapides.
Ce soir, nous mangeons du « Backcountry », des sachets de nourriture déshydratées très populaires en NZ, au goût relativement correct, et presque nourrissant. Nous complétons notre diète par des fruits secs et des graines type cacahuètes, amandes etc. Un peu de vaisselle, et au dodo. Demain, nous nous levons tôt, ce sera la première journée sur le Pyke.
Homer Falls
Le lac Hallabaster
